Les meilleurs aciers des couteaux pliants

Il existe des dizaines d’aciers de coutellerie, probablement plus d’une centaine mais certains sont beaucoup plus prisés que d’autres, en fonction de leurs propriétés pour concevoir des lames adaptées à l’usage requis. Dans le domaine des couteaux pliants également appelés couteaux de poche ou EDC, il y a une douzaine d’aciers qu’on retrouve fréquemment sur les modèles proposés par les fabricants. Au cours de cet article nous allons passer en revue les aciers les plus utilisés dans l’industrie de la coutellerie pour la fabrication des lames des couteaux pliants et voir les principales caractéristiques de ces aciers.

Pour dresser un bilan le plus objectif possible de l’usage des aciers dans la production des couteaux pliants, j’ai effectué quelques calculs. Je suis allé sur le site d’une célèbre coutellerie en ligne, Knives and Tools pour ne pas la citer et j’ai édité une feuille de calcul sur mon tableur Open Office à partir des 3843 références de couteaux pliants présents sur leur site pour un total de 72 marques. Un échantillon largement représentatif du marché et en particulier de l’offre. A partir de ces données j’ai obtenu des pourcentages afin d’avoir une bonne vision des types d’aciers les plus utilisés par les marques. L’échantillon reste représentatif car les marques absentes du calcul utilisent aussi les aciers les plus tendances. Pour que l’étude portant sur 91 types d’aciers et 3843 modèles de couteaux soit la plus pertinente possible, j’ai donc tenu compte de la surreprésentation de certains aciers du fait d’une seule marque et que certaines marques sont moins représentatives des couteaux pliants classiques. Comme Victorinox dont les couteaux suisses sont en acier 1.4110 et pas spécialement représentatifs des couteaux pliants puisque leurs produits sont majoritairement des couteaux multifonctions. C’est pourquoi l’acier 1.4110 apparaît en troisième position grâce aux 293 modèles Victorinox composés de cet acier et présents sur le site au moment de mon calcul. C’est aussi le cas de la marque Case et son acier Tru-Sharp que je ne connaissais pas mais qui apparaît en huitième position avec 154 modèles. Pour bien faire on pourrait même attribuer un coefficient de pondération qui équivaudrait par exemple au nombre de marques utilisant un type d’acier pour mieux percevoir la popularité de certains alliages. On pourrait aussi pour affiner, regrouper certains aciers comme les Sandvik 12C27 et 14C28N qui sont très proches en terme de composition.

Sans aller jusqu’à effectuer des calculs trop complexes, des tendances se dégagent nettement. Ainsi en 2021 l’acier le plus utilisé par les fabricants est le D2 avec selon les quantités observables sur le site Knives and Tools, 377 modèles pour 20 marques dont 72 couteaux Bestech 57 Civivi, 56 Steel Will. En seconde position on peut être surpris de trouver l’acier haut de gamme M390 avec 335 couteaux répartis en 21 marques dont 56 MKM (Maniago Knife Makers) marque créée en collaboration avec Viper, Lionsteel, Fox Knives et Mercury et 40 Bestech. L’acier CPMS35VN arrive dans le trio de tête avec 284 modèles pour 22 marques, dont 66 couteaux Kizer et 48 Bestech. Ce graphique nous permet d’observer la répartition des aciers les plus utilisés. Ces 12 aciers représentent 57,8% de la production de couteaux pliants. Les aciers hauts de gammes tels que le M390 , le CPM20CV et le CPMS35VN représentent à eux seuls près de 20% des modèles commercialisés sur le site. Voici le top 7 des aciers en fonction de l’offre fabricants. Ce sont les aciers les plus utilisés actuellement. Les nombres correspondent aux parts de marché exprimées en pourcentages. Voyons maintenant quelles sont les propriétés de ces aciers. Avant de lancer la chaîne YouTube Knives and Steels sur les couteaux, j’ai effectué beaucoup de recherches. J’ai établi des tableaux, des comparatifs et des recoupements de données afin d’obtenir les informations les plus fiables possibles. J’ai constaté que sur l’évaluation des propriétés des aciers il y avait des données contradictoires. Je me suis donc aussi basé sur la composition des aciers pour tenter de valider certaines informations. Si les aciers ont souvent des noms très complexes et différents, ils sont parfois assez semblables en termes de proportions des éléments. Par exemple si l’on regarde la composition de l’acierVG10 japonais et du N690Co de l’autrichien Böhler, on constate qu’ils sont presque similaires en composition. Ils ont donc des propriétés assez proches. Mais il faut garder à l’esprit que beaucoup de paramètres peuvent intervenir dans le processus d’obtention de l’acier. De petites variations de proportions de divers éléments peuvent avoir une grande influence sur les propriétés de l’acier. Par exemple l’adjonction de niobium, métal dont il existe très peu de gisements dans le monde, permet d’accroître la résistance à l’usure de l’alliage et sa résistance aux chocs. L’acier CPMS35VN a une teneur de 0,5% de niobium, il y en a 0,7% dans le niolox et sa proportion atteint 3% dans l’acier CPMS110V. Ce qu’on peut dire pour simplifier c’est que la formulation d’un acier est finalement comme une recette de cuisine. Il faut bien doser certains ingrédients et ne pas tout carboniser au moment de la cuisson. Ainsi l’étape de la trempe qui est un traitement thermique est déterminante pour obtenir les propriétés de l’acier, garantir son homogénéité et sa résistance mécanique. C’est lors de cette étape délicate que s’opère la cohésion de l’alliage. On sait que souvent dans le domaine de la physique et de la chimie d’infimes variations ont de très grands effets. C’est peut-être pour ça que les marques communiquent peu sur les propriétés des aciers. Même l’indice HRC de dureté, indice de Rockwell est souvent indiqué dans une fourchette (58 à 60 HRC par exemple), parce qu’il peut varier selon les différentes fournées de production de l’acier.

Il est assez compréhensible d’avoir parfois des avis contradictoires sur les aciers car il y a des propriétés difficiles à évaluer. Par exemple l’évaluation de la conservation du tranchant ne repose sur aucune norme et les méthodes pour l’apprécier sont assez subjectives. Si l’on prend le critère de robustesse ou solidité d’un acier, c’est un peu comme vouloir comparer la résistance du chêne par rapport aux bambous. En fait selon certains usages un type d’acier supportera bien les contraintes et forces qui s’exercent sur lui. La souplesse peut être un avantage dans certains cas, l’acier plie mais ne rompt pas. Un acier très dur aura tendance à conserver son tranchant mais peut se casser soudainement ou s’ébrécher. La résistance aux chocs d’un métal est d’ailleurs qualifié de résilience. La résistance d’un acier est comme souvent une affaire de compromis et certaines qualités sont antagonistes. Il est ainsi difficile de définir ou comparer avec précision les propriétés des aciers les uns par rapport aux autres.

On peut cependant donner les principales propriétés d’un acier avec les graphiques que je vous présente mais qui sont à prendre comme indicateurs et non comme vérité absolue.

Quelles sont alors les propriétés requises pour un acier de lames de couteaux pliants.

La résistance d’un acier de lame de couteau pliant est moins importante que celle d’un couteau à lame fixe qui sera à l’usage soumis à de plus fortes contraintes. Un couteau pliant de par sa conception a des points de fragilité qui rompront en théorie avant la lame. Bien que des exceptions soient possibles selon la qualité des matériaux, notamment leur aptitude à se déformer sans casser. La conservation du tranchant est un critère très important pour les couteaux pliants, généralement considérés comme EDC, acronyme de Every Day Carry, c’est-à-dire que l’on porte et utilise au quotidien pour couper du fil, ouvrir un carton, ou casser la croûte. Donc c’est le genre de couteau qui doit rester tranchant longtemps et que l’on ne veut pas être contraint d’aiguiser trop régulièrement. Les aciers les plus durs ont généralement une excellente propension à conserver leur tranchant mais ils peuvent être cassants et sont très difficiles à aiguiser. Si votre principal critère de choix d’un couteau est son esthétique, son design, sa beauté et sa qualité de fabrication, alors il vaut mieux que sa lame soit formée d’un acier inoxydable, ce qui garantira la préservation de son apparence globale au fil du temps et rendra son nettoyage à l’eau fréquent possible, surtout si vous mangez avec. Précisons que l’on parle ici de résistance à la corrosion dans des environnements domestiques, de contact du couteau avec de l’eau douce, des matières organiques tels que des aliments ou des acides de fruits. Il existe divers degrés de résistance à la corrosion. Certains aciers peuvent résister à des acides fortement corrosifs, au contact de l’eau salée, comme l’acier H1. Mais généralement cette résistance extrême à la corrosion se fait au détriment de la conservation du tranchant. L’entretien d’un couteau pliant est cependant moins simple qu’un couteau à lame fixe car l’eau ou l’humidité peuvent s’immiscer dans les interstices ou les plaquettes, dans l’axe.

Donc un acier inox présente un avantage certain. Paradoxalement comme nous l’avons vu précédemment c’est actuellement l’acier D2 qui est le plus utilisé pour la fabrication des couteaux pliants.

On trouve en effet énormément de très jolis couteaux pliants, principalement d’origine chinoise en acier D2. Or cet acier est sensible à l’oxydation.

Ce choix d’acier s’explique sans doute parce que le D2 est un acier dur qui conserve bien son tranchant et que c’est un des principaux critères de choix pour les lames des pliants.

Les couteaux pliants sont des outils dont on peut avoir besoin inopinément comme d’un Opinel.

Si je me permets ce petit jeu de mots c’est justement pour aborder le cas de l’Opinel. Un couteau que l’on ne présente plus ou alors juste pour rappel… Les Opinel sont des couteaux pliants fabriqués en Savoie (France) depuis 1890. Sa lame en acier carbone XC90, particulièrement tranchante s’aiguise facilement mais est fortement sensible à la rouille. Elle nécessite d’être entretenue par un séchage et graissage si l’on ne veut pas la voir devenir plus foncée et s’oxyder. Mais l’Opinel à acier carbone n’en reste pas moins extrêmement tranchant. Il est aussi important de rappeler que la rouille, ce n’est que de l’oxyde de fer et que l’on peut continuer à couper des aliments sans risque pour la santé car elle n’est pas toxique. La conception de ce couteau est cohérente. Le manche en bois de hêtre est un matériau rustique, naturel, qui lui aussi vieillit comme la lame va se patiner. Quand on achète un Opinel acier carbone, on achète un couteau de tradition intemporel et on accepte de voir une lame qui changera plus ou moins d’apparence au fil du temps. Mais désormais Opinel propose également des modèles avec manches en polyamide-fibre de verre, résistants aux chocs, à l’eau et températures extrêmes et lames d’acier inoxydable.

Une association de matériaux pour les adeptes des couteaux peu sensibles aux éléments extérieurs.

Si le couteau a avant tout pour fonction d’être utilisé, malmené, alors l’acier carbone bon marché ne posera pas de problème et se révèle redoutable d’efficacité. Si l’on préfère un couteau qui conservera mieux son apparence d’origine alors l’acier l’inox offrira une bien meilleure garantie. D’ailleurs la très grande majorité des couteaux pliants haut de gamme comporte une lame en acier inox.

Les couteaux multifonctions représentent une catégorie de couteaux de poche à part. La plupart des couteaux suisses ont une lame en acier 1.4110 également appelé X55CrMo14.

Les couteaux multifonctions Swiza sont essentiellement composés d’acier 1.4109 aussi appelé 440A ou X70CrMo15. La lame de ces couteaux multifonctions ainsi que tous leurs accessoires en acier sont avant tout destinés à dépanner. L’acier n’est donc pas aussi haut de gamme que sur des couteaux ou outils plus spécifiques. C’est également pour limiter le prix de ces couteaux que les fabricants optent pour des aciers bon marché mais néanmoins efficaces. On constate que pour les pliants haut de gamme les aciers les plus prisés sont le Böhler M390 et le CPMS35VN. Des aciers provenant de la technologie des poudres qui possèdent d’excellentes caractéristiques. La technologie les poudres permet d’obtenir un acier très homogène avec une structure très fine. Les lames sont particulièrement incisives. Le M390 offre une conservation de son tranchant exceptionnelle mais il a le défaut de sa qualité en étant de ce fait assez difficile à aiguiser. Il faudra déployer pas mal d’énergie pour y parvenir avec le bon équipement. Il offre également une parfaite résistance à la corrosion. Le CPMS35VN est probablement actuellement l’acier idéal en coutellerie haut de gamme car il est bon sur tous les critères. Il est inoxydable, résistant, garde bien son tranchant tout en s’aiguisant sans trop de difficultés. Le coût de cet acier est assez élevé et comme les lames en CPMS35VN sont souvent associés à des matériaux comme le titane et la fibre de carbone pour constituer le manche, on a généralement affaire des modèles qui dépassent les 200 euros. Mais il existe cependant des exceptions et on trouve quelques modèles notamment chez Kizer, Real Steel et SOG qui permettent d’acquérir un modèle pliant avec lame en S35VN et poignées carbone ou titane pour environ 120 euros. C’est donc le prix d’entrée pour acquérir un modèle de couteau industriel haut de gamme. Voici un graphique qui présente une répartition des principaux aciers utilisés pour la fabrication des lames de couteaux pliants en fonction de leur résistance à la corrosion et de leur montée en gamme.

GRAPHIQUE montée en gamme

On commence par les aciers inox de type 420HC, le 8Cr13MoV, les 14C28N et 12C27, le 440C et le 9Cr18MoV. Dans une gamme de prix supérieurs, les VG10 et N690Co sont de très bons aciers, puis arrivent les aciers hauts de gammes issus de la technologie des poudres comme le très populaire CPMS35VN, et le CPMS30V. Enfin les aciers les plus hauts de gammes notamment en raison de leur tenue du tranchant sont les CPMS90V, le CPM20CV et le M390. J’ai regroupé ces aciers dans différentes gammes. Le D2 est un peu esseulé en raison de sa moindre résistance à la corrosion mais sur le plan des autres propriétés il fait jeu égal avec les aciers les plus hauts de gammes. Alors quel acier est préférable ? Si pour vous un prix élevé n’est pas dissuasif, alors vous apprécierez de CPMS35VN et le M390 qui offrent l’inoxydabilité et surtout une excellente conservation du tranchant.

Si on veut un modèle de couteau bon marché avec un acier inox, les aciers 14C28N et 12C27 sont des valeurs sûres comme le 8Cr13MoV de composition assez proche.

Les VG10 et N690 sont aussi très appréciés pour leur bonne tenue du tranchant et leur aptitude à résister à la rouille, mais dans des gammes de prix supérieures.

Enfin si vous n’êtes pas trop regardant sur l’aspect visuel de la lame à terme, au fil des usages, le D2 s’impose du fait de l’énorme choix de modèles avec un excellent rapport qualité/prix.

Nettoyer sa lame après contact avec des éléments humides, salés ou acides, vous permettra de préserver son apparence.

Il existe des dizaines d’autres aciers de coutelleries utilisés pour fabriquer des lames de couteaux pliants. Les variations de propriétés sont parfois peu perceptibles en dehors de la résistance

à l’oxydation qui est facilement constatable. Comme il est difficile d’avoir la possibilité de tester les aciers, il est toujours intéressant d’en connaître la composition. Les aciers ont comme composante principale du fer mais aussi du carbone pour la dureté et le tranchant, du chrome et du molybdène pour augmenter la résistance à la corrosion, du cobalt, du tungstène pour accroître la dureté. Du vanadium pour augmenter la résistance aux chocs voire pour conférer un peu d’élasticité à la lame. Par exemple sachez qu’un acier inoxydable est un alliage de fer avec une certaine proportion de chrome par rapport à son taux de carbone. En général les aciers avec une teneur en chrome supérieure à 13% et moins de 1% de carbone sont inoxydables. Si le taux de carbone dépasse les 1% alors il faudra plus de chrome et de molybdène pour garantir la résistance à l’oxydation. Il n’existe pas d’acier parfait. Il y a toujours des compromis sur les différentes propriétés. Un acier qui conserve son tranchant sera en toute logique plus difficile à aiguiser. Un acier très dur à forte teneur en carbone ou haute teneur en cobalt qui résiste à l’usure, risque d’être plus cassant en cas de choc. Un acier plutôt souple et ainsi résistant à la casse conservera peu son tranchant. La résistance à la corrosion est assez relative et dépend de la substance corrosive et la durée de contact. Les aciers qui sont les plus commercialisés actuellement sont de bons aciers qui ont fait leurs preuves. Les aciers les plus chers sont ceux qui conservent le mieux leur tranchant. A vous de choisir en fonction de votre budget de vos goûts et de l’utilisation à laquelle se destine votre couteau.

Une réflexion sur “Les meilleurs aciers des couteaux pliants

  • 26 novembre 2021 à 22h27
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    Super article
    Ou trouve tu toutes ces infos et pourrait tu faire un article sur la technologie poudre que je n’arrive pas encore a comprendre.
    Merci beaucoup pour le travail réalisé
    Cordialement

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