Victorinox Venture : conçu pour le bushcraft (léger)

Victorinox fait partie des marques de couteaux les plus célèbres au monde et donc les lancements de certains de ses produits ne passent pas inaperçus. D’ailleurs c’est une des vidéos de ma chaîne Knives and Steels qui a eu le plus de succès avec plus de 60000 vues. Il y a pourtant des vidéos documentaires sur les couteaux ou de certains modèles qui mériteraient largement d’être mis en avant mais il en est ainsi, les algorithmes favorisent les marques qui ont le plus de notoriété pour toucher un max de public aux détriments de marques concurrentes ou vidéos sur d’autres sujets.

Venons en donc à la présentation de ce Victorinox Venture.

Sur son site Victorinox le présente, je cite : comme « un couteau pour des aventures de bushcraft sans limites, conçu par des experts et pensé pour le bushcraft, fabriqué en acier haute qualité, réputé pour son exceptionnelle robustesse. Des couteaux Venture d’une fiabilité à toute épreuve, pour relever les défis que l’on rencontre en pleine nature, rien ne les arrête. »

La promesse est donc faite d’obtenir un petit couteau permettant d’effectuer toutes les opérations de bushcraft ; compte tenu de sa fiabilité à toute épreuve et son exceptionnel robustesse.

En lisant ça on se dit que Victorinox nous promet un couteau d’exception, réellement conçu pour l’aventure. Le couteau idéal en somme pour un baroudeur dans la nature.

Je vous présente donc le Venture dans sa version manche rouge. Le rouge emblématique de Victorinox.

Des motifs Victorinox sont présents sur le manche du Venture

J’aurais spontanément choisi le vert olive, car j’aime les couleurs kaki pour le matos outdoor, mais finalement ce rouge symbolise tant Victorinox que ce n’est pas plus mal de vous présenter le Venture dans la couleur originelle de la marque. D’ailleurs quand on regarde de très près le manche, on constate qu’il est finement texturé notamment par des petits motifs dont le logo Victorinox qui s’apparente à un blason et les lettres du nom Victorinox disséminées de manière aléatoire . Ca lui confère un excellent grip toujours utile pour une utilisation en conditions humides, sous la pluie notamment.

Ce manche est en TPE, Thermo Plastique Elastomère, couramment utilisé pour ce type de couteau car imputrescible et résistant aux chocs.

L’ergonomie est très bonne. Le manche est bien galbé, assez large, la prise en main est sûre, confortable. On peut forcer sans ressentir de douleur ce qui n’est pas toujours le cas avec certains couteaux. Et c’est très important. Mais nous allons voir que l’avantage avec ce couteau c’est justement qu’il n’y a pas vraiment besoin de forcer.

Que dire de l’allure générale du Victorinox Venture ? Il est beau, bien proportionné, bien équilibré avec de belles lignes. Petite particularité, la présence d’un jimping sur le dos de la pointe de la lame.

Jimping sur le dos de la pointe

Le couteau est léger. Seulement 117g ! Soit le poids d’un couteau pliant.

Un poids plume ça signifie un couteau facile et agréable à manier et que l’on pourra transporter en randonnée sans excédent de poids.

Le couteau mesure 230 mm, sa lame 105 mm pour 3,4 mm d’épaisseur.

Le Victorinox Venture offre une très bonne prise en main

D’ailleurs cette lame est une pure émouture plate. C’est d’un point de vue esthétique à mon sens, moins beau qu’une émouture sabre par exemple qui présente plus de relief, mais d’un point de vue pratique l’émouture plate est redoutablement efficace notamment pour trancher finement avec précision.

La finition de la lame de forme drop point est comme brossée.

La construction du couteau est full tang, gage de solidité et notamment de rigidité sur toute la longueur. La soie traverse donc le manche pour ressortir en formant un talon métallique dans lequel un trou hexagonal permet de fixer des outils Victorinox. Ce talon peut aussi faire office de brise vitre et on peut y gratter un firesteel.

L’ensemble couteau rangé dans son étui pèse 152 g, donc le poids de l’étui est de 35 g. Cet étui parlons-en. On peut y faire rentrer la lame des deux côtés c’est un point positif, mais la rétention est ce qui se fait de pire. Ca vibre à l’intérieur dans tous les axes, au point que le couteau risque de sortir de sa gaine plastique par mégarde.

Heureusement cet étui est livré avec un petit système de sangle muni d’un passant ceinture et d’un anneau caoutchouc que l’on peut passer en haut du manche pour assurer le maintient du couteau lors des déplacements.

C’est dommage que Victorinox ait négligé le critère de rétention de son étui car comme me l’avait dit un responsable de Fällkniven, l’étui est l’endroit où le couteau va passer l’essentiel de sa vie, c’est donc un élément indispensable et indissociable d’un couteau à lame fixe pour non seulement protéger sa lame mais aussi vous en protéger. Il est important d’avoir un étui bien ajusté.

Il est primordial que les fabricants conçoivent des étuis fiables et sécurisants.

Comme pour le Morakniv Garberg, Victorinox a fait le choix de l’acier suédois 14C28N, l’acier qui arrive ou revient en force selon les cas aussi pour former les lames des couteaux pliants.

Lame en acier suédois 14C28N

C’est un acier résilient qui encaisse normalement bien les chocs. Les risques d’ébréchures et même de casse sont limités. Il résiste très bien aussi à l’oxydation.

Parlons maintenant de ce qui va faire le succès de ce couteau.

En un mot son efficacité. Un couteau c’est fait pour couper, trancher et ce Venture excelle en ce pour quoi il a été conçu. Le tranchant rentre avec une grande facilité dans le bois et je ne parle pas des fruits et légumes… D’ailleurs j’ai fait aussi un petit test de coupe de paracord et ça tranche net les brins tressés sans forcer. Ca faisait longtemps qu’une lame ne m’avait pas procurer cette sensation de tranchant rasoir. D’ailleurs attention les doigts.

Concernant le prix, si on le compare à son concurrent direct le Mora Garberg on peut dire qu’ils jouent dans la même catégorie. J’avais toujours estimé que le Garberg n’était pas forcément très bon marché par rapport à ses petits frères de la gamme Mora Companion qu’on peut acheter pour seulement 12 euros, notamment ceux dont la lame est en acier suédois 12C27, un acier assez similaire en composition au 14C28N. On est quand même 6 fois plus cher avec un Venture. Est-ce qu’une construction pleine soie en acier 14C28N justifie un tel écart de prix ?

J’aurais tendance à dire non d’un point de vue fiche technique, mais il faut penser que le prix est défini selon de nombreux paramètres. Le coût du développement du produit, des matières premières, la production, mais aussi la concurrence, la publicité, le marketing. Et je rappelle que ce couteau est fabriqué en Suisse.

Fabriqué en suisse

Ce Venture se caractérise par son efficacité de coupe et sa polyvalence. Sa lame n’est pas sans rappeler celle d’un petit couteau de cuisine. Il sera un bon compagnon pour les randonneurs et pratiquants de loisirs outdoors, notamment les pêcheurs, chasseurs, campeurs, même si son étui mériterait une modification.

La conclusion c’est que nous avons là un bon couteau outdoor. Victorinox sait faire depuis plus de 130 ans d’innombrables couteaux multifonctions de grande qualité ainsi que des pinces et désormais aussi des couteaux à lame fixes pratiques, maniables et très efficaces.

Beaucoup de marques de couteaux proposent des modèles avec différents aciers notamment haut de gamme réputés pour leur conservation du tranchant. Trop de ces couteaux haut de gamme ont des lames à l’épaisseur démesurée et finalement pénalisante pour pénétrer les fibres de bois et la matière en général. Ces aciers durs sont difficiles à affûter même probablement en usine. On a donc finalement souvent un tranchant qui peut laisser à désirer. Or trancher c’est la fonction d’un couteau !

Victorinox vient de faire la démonstration qu’un acier inox simple comme le 14C28N si on en fait une bonne lame très bien affûtée, peut offrir un tranchant parfait.

Cependant un accident est survenu qui me fait douter qu’on peut vraiment considérer ce couteau comme adapté à la pratique intensive du bushcraft.

Alors que j’avais effectué mon test assez modéré du couteau sur du petit bois, je suis ressorti le soir pour filmer quelques séquence manquantes, notamment sur du bois.

J’ai effectué un nouveau petit batonnage sur une bûchette. Puis j’ai pris une plus grosse buchette et je l’ai ébranché avec une série de coupes à la volée et en analysant mes images c’est là qu’à dû survenir la dégradation du fil de la lame que je n’ai malheureusement pas filmé.

Je ne m’en suis pas aperçu sur le coup avant d’effectuer ce dernier bâtonnage sur plus grosse section de bois car j’étais concentré sur la mise au point et le cadrage pour filmer. J’ai donc bâtonné avec la lame déjà abîmée.

Ce type de dégradation de la lame (acier qui roule, se déforme mollement) m’est déjà arrivé sur un acier 80CRV2 (dit acier carbone), pourtant réputé pour sa grande robustesse et ce sans impact excessif. Ca peut donc arriver à beaucoup d’aciers car il faut rappeler que la structure de l’acier et sa dureté dépendent pour grande part du traitement thermique, un processus physico-chimique qui nécessite beaucoup de rigueur et il peut y avoir des séries de fabrication de couteaux où le traitement thermique n’est pas satisfaisant. C’est sans doute d’ailleurs pour ça que l’indice de dureté HRC est généralement indiqué dans une fourchette car il peut y avoir des variabilités dans le process d’obtention de l’acier notamment durant cette phase cruciale et critique de traitement thermique.

Ce qui s’est passé ne remet pas en cause la qualité de ce Venture Victorinox, mais ça nous ramène à la réalité. Une lame au tranchant si fin et efficace est inéluctablement fragile. Cette finesse ne peut pas physiquement résister à de trop fortes contraintes, pressions et chocs. Un couteau est fait pour trancher certaines matières par trop dures et résistantes. Sur son site, je rappelle que Victorinox définit ce couteau comme un couteau outdoor pour vivre intensément sa passion du bushcraft, un couteau à toute épreuve… Mais il faut raison garder. Un couteau n’est pas une hache.

Les coupes transversales, le bâtonnage avec un couteau sont des opérations extrêmes pour une lame surtout quand elle est très fine.

Je précise qu’en aucun cas je n’ai cherché à abîmer ce couteau.

Le couteau n’a été en contact qu’avec du bois (epicéa, noisetier, hêtre), de la tomate, de la paracord et n’a pas subi de choc avec de la pierre ou du métal.

Depuis mon test un autre Youtubeur américain a également endommagé la lame de son Venture lors d’une coupe sur du bois pourtant pas très dur.

Une émouture scandinave comme celle des Mora Companion, Garberg est mieux adaptées aux lourds impacts sur le bois.

Je précise cependant que dans ce cas, la garantie Victorinox s »applique, à savoir le remplacement du couteau endommagé gratuitement.

Il faut garder à l’esprit qu’effectuer certaines opérations de bushcraft c’est faire subir au couteau de rudes épreuves et c’est donc risqué.

Enfin cette expérience m’invite à considérer de nouveau, que lors d’une présentation de couteau il faut éviter de tirer des conclusions trop hâtives et définitives. Il y a énormément de variabilités possibles. Les essences de bois n’ont pas toutes la même structure, dureté. Un même bois peut-être plus ou moins dur selon son état de séchage, conservation. Pour effectuer des tests, des comparaisons il faut des protocoles rigoureux et reproductibles. C’est une des raisons qui m’incite à ne jamais être trop affirmatif, péremptoire quand je présente des couteaux. Certains exemplaires ou lots de couteaux peuvent aussi présenter quelques différences en raison principalement du traitement thermique ou d’autres causes comme des différences de qualité de matériaux lors de l’approvisionnement. Ce Venture est un très bon petit couteau mais dans la limite d’un usage raisonnable.

Est-ce qu’on peut vraiment recommander ce couteau pour du bushcraft intensif, je me permets d’en douter.

D’ailleurs ce qui est arrivé est finalement logique. Le type d’acier a une grande importance dans la résistance de la lame, mais l’émouture aussi. Ce type de lame très fine, à l’angle très petit, très aigu, offre un tranchant très efficace mais fragile. Pour le bushcraft une lame d’émouture scandinave ou convexe sera théoriquement plus résistante car l’angle est bien plus important.

Ce Venture fera donc un très bon couteau pour se préparer à manger, couper de la corde, sculpter du bois, lever des copeaux pour démarrer un feu, préparer des feather sticks, mais je ne recommande pas de l’utiliser pour des tâches qui impliquent de forts impacts sur le tranchant très fin de sa lame.

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